Mon nom est Sébastien. Je suis né en 1973 dans le canton de Genève, en Suisse.

Ma famille et mon enfance

Mes parents se sont installés à Genève peu avant ma naissance. Ils ont eu trois enfants. Ma grande sœur, Nathalie, est née en premier. Trois ans plus tard, mon frère Laurent et moi sommes nés le même jour. Nous sommes jumeaux.

J'ai eu une enfance heureuse. Je passais pratiquement tout mon temps avec mon frère Laurent, dont j'étais extrêmement proche. Enfants, nous avions une complicité que peu de gens peuvent imaginer. Nous étions dans notre monde à nous, et cela a duré jusqu'après vingt ans.

Étant tellement occupé avec mon frère, j'étais beaucoup moins proche de ma sœur, Nathalie, et j'avais peu de copains.

Les témoins de Jéhovah

Mon père s'est fait baptisé témoin de Jéhovah peu après ma naissance, en 1976. Ma mère, sous l'influence des "frères et sœurs", s'est fait baptisée deux ans plus tard, sans grande conviction. Peu à peu, toute notre famille, moi y compris, est finalement devenue témoin de Jéhovah.

Pour mon père, cela n'a pas été facile de convaincre ses enfants. Avant que j'atteigne l'âge de 15 ans, il conduisait lui-même l'étude de la "Tour de Garde" en famille. De plus, il nous lisait, à Laurent et à moi, le "Recueil d'histoires bibliques" presque chaque soir. Ma sœur, qui menait une vie dissolue à cette époque-là, ne "bénéficiait" pas de toute cette propagande.

L'étude en famille était souvent peu sérieuse, car mon frère et moi, on peut le comprendre, n'étions pas vraiment intéressés par les questions religieuses durant l'adolescence. C'est pourquoi, lorsque nous avons eu 15 ans, mon père a décidé de faire venir un jeune témoin de Jéhovah pour nous faire l'étude.

L'étude de la Bible

Mon frère et moi étudiions ensemble avec ce jeune, et cette étude à trois a duré quelques mois. Nous étions censés préparer l'étude et couvrir le livre étudié dans un délai raisonnable, mais nous avions d'autres choses en tête et l'étude n'avançait pas comme mon père (et les témoins de Jéhovah) l'auraient voulu. C'est ainsi qu'ils ont finalement décidés de nous faire étudier séparément, mon frère et moi.

En ce qui me concerne, mon père a dû changer plusieurs fois de "professeur". J'ai donc fini par étudier avec Ariel, un "pionnier spécial" très rigide et dur, dont le seul but semblait être de couvrir au plus vite les chapitres du livre "unis dans le culte du seul vrai Dieu".

La congrégation de Genève Cornavin

En plus de l'étude de la Bible, nous allions en famille aux réunions des témoins de Jéhovah, tenues à la salle du royaume de la congrégation de Genève Cornavin. Nous avions une heure de réunion le lundi, deux heures le mercredi, et deux heures le samedi. De plus, nous étions censés préparer ces réunions et prêcher au moins dix heures par mois.

Dans cette congrégation, il y avait une fille dont j'étais amoureux en secret. Bien qu'elle ne s'intéresse pas à moi, je dois dire que sa présence a beaucoup contribué à m'attirer chez les témoins de Jéhovah.

Le baptême

En été 1995, peu après la fin de l'étude du livre "Unis" avec Ariel, nous nous sommes fait baptiser mon frère et moi à l'assemblée de district intitulée "Louons Dieu dans la joie". J'avais alors 22 ans.

A cette période-là, je me donnais à fond pour l'"œuvre". Je me sentais joyeux de pouvoir servir le plus grand personnage de l'Univers, et bien que certains aspects de la croyance me laissaient des doutes, je les faisais taire et plaçais ma confiance en ceux qui m'avaient montré ce que je prenais pour "la Vérité qui mène à la vie éternelle".

Ma première histoire d'amour

Après le baptême, à mon grand soulagement l'étude de la Bible avec Ariel s'est arrêtée. C'est là que mes doutes ont ressurgi, et que j'ai peu à peu commencé à devenir irrégulier aux réunions.

C'est durant cette période que j'ai rencontré Lydie, une fille qui n'était pas baptisée, mais qui étudiait depuis des années pour devenir témoin de Jéhovah. Nous sommes tombés éperdument amoureux peu après notre rencontre.

Notre histoire a duré un an, puis les témoins de Jéhovah, voyant que je ne respectais pas scrupuleusement leurs enseignements en matière de comportement avec l'autre sexe, m'ont exclu de leur organisation. C'était en 1998. Nous n'avions même pas couché ensemble, mais mes doutes et mes questions semblaient en avoir dérangé quelques-uns !

L'exclusion

Quelques mois avant d'être exclu, j'avais pris un appartement avec mon frère, non loin de là où vivaient mes parents. Comme mon frère est resté témoin de Jéhovah, les relations après l'exclusion ont été très difficiles.

Il faut savoir que le fait d'être exclu des témoins de Jéhovah est quelque chose de très dur. Les anciens coreligionnaires doivent couper tout contact avec l'exclu, et ne même pas le saluer dans la rue ! Beaucoup craquent et redeviennent témoin de Jéhovah à cause de ce traitement inhumain.

Bien que j'habitais encore avec mon frère, il ne voulait pratiquement plus parler avec moi après mon exclusion, et me traitait comme un paria. Excepté ma mère, tout le reste de ma famille limitait les contacts avec moi au maximum. Mon père se montrait très distant, et me saluait froidement les rares fois où on se voyait.

Heureusement pour moi, je n'étais pas seul. J'ai été exclu peu de temps après une femme témoin de Jéhovah qui s'appelait Annick, et elle m'a beaucoup soutenu durant cette période difficile.

Une décision difficile

La question qui s'est vite posée était celle de revenir chez les témoins de Jéhovah ou de rester "dans le monde". J'ai tout d'abord tenté de revenir, ne voyant pas d'autre issue. Toute ma famille et la plupart de mes connaissances étant témoins, je ne voyais pas quoi faire d'autre.

Je continuais donc à assister aux réunions des témoins de Jéhovah. Toutefois, pour ne pas croiser de "frères et sœurs", les anciens m'avaient donné pour consigne d'arriver après l'heure de début et de partir avant la fin. Comme nous étions avec Annick dans l'arrière-salle, il arrivait que nous croisions les regards des autres témoins de Jéhovah qui allaient aux toilettes. Ils semblaient tous être profondément désolés pour nous.

Il a été difficile de prendre la décision de ne pas retourner chez eux. La principale raison de ma décision a été que je n'arrivais plus à croire aux mensonges des témoins de Jéhovah. J'ai parlé avec de nombreuses personnes, fait de nombreuses recherches, lu de nombreux livres, et tout me porte à croire que beaucoup d'enseignements des témoins de Jéhovah sont mensongers. De plus, l'attitude que certains d'entre eux ont eue à mon égard après mon exclusion a fini de me convaincre qu'ils ne peuvent être dans le vrai.

Après l'exclusion

Ma vie n'a plus jamais été la même après mon exclusion. En un jour, j'ai perdu ma famille, mon premier amour, tous mes soi-disant amis témoins de Jéhovah, et mes merveilleuses illusions. Pour moi, la vie a vraiment basculé à ce moment-là.

Les témoins de Jéhovah mettent en nous tellement d'espoirs : l'espoir qu'un jour un paradis s'instaurera sur la Terre et remplacera ce monde imparfait ; l'espoir que Dieu est avec nous et nous aide dans les moments difficiles ; l'espoir que nous sommes dans le vrai chemin, le chemin de la "Vérité", et que l'issue de ce chemin est pour bientôt ; l'espoir de ne jamais mourir et même de pouvoir revoir nos chers disparus !

Même si ces choses sont mensongères, les espoirs des gens qui y croient, eux, sont bien réels ! Et en peu de temps, tous ces espoirs, ces promesses auxquelles je voulais tellement croire, se sont comme évaporés ! Je me suis rendu compte, petit à petit, que toutes ces belles promesses étaient en fait... rien que des belles promesses, et que les histoires qu'on m'avait racontées n'étaient finalement... que des histoires.

Sylwia

En l'an 2000, j'ai rencontré Sylwia, une jeune polonaise qui allait devenir ma femme deux ans plus tard. Mon frère et moi habitions toujours ensemble, mais quand j'ai invité Sylwia à venir dormir à la maison, il n'a pas vu cela d'un très bon œil. Peu après, il a décidé de prendre un appartement séparément. C'est là que nos relations se sont encore détériorées, et que l'on a commencé à se voir de moins en moins.

En août 2002, je me suis marié à l'église avec Sylwia. J'ai bien sûr invité toute ma famille, Laurent y compris. Je l'avais chargé de mettre en route la marche nuptiale durant notre entrée à l'église. Toutefois, lorsque nous avons marchés Sylwia et moi en direction de l'autel, je me suis rendu compte que Laurent n'était pas rentré dans l'église, et était parti avec le lecteur de CD ! Le prêtre a donc dû chanter pour nous accompagner jusqu'à l'autel.

Les relations avec mon frère

Tous les dimanches, nous avions l'habitude de nous retrouver avec des copains "du monde" (c'est ainsi qu'ils appelent ceux qui ne sont pas témoin de Jéhovah). Or, ces rendez-vous sont vite devenus des occasions de disputes avec mon frère. Comme il adoptait de plus en plus l'attitude méprisante des témoins de Jéhovah à l'égard des exclus, les échanges devenaient de plus en plus houleux, à tel point qu'il en est arrivé à couper tout contact avec moi.

En 2005, lorsque son attitude m'a été trop insupportable, j'ai commencé à faire des recherches sur internet pour tenter de lui prouver que les témoins de Jéhovah n'avaient pas raison sur tout. C'est là que j'ai découvert les relations entre la Watchtower et l'ONU, les affaires de pédophilie, le mode de vie luxueux de certains dirigeants, les nombreuses fausses prophéties, et d'autres choses peu reluisantes que les témoins de Jéhovah cachaient à leurs ouailles.

Lorsque je lui en ai fait part par mail, il a tout nié en bloc, et n'a même pas daigné vérifier l'information par lui-même. Son attitude s'est encore durcie après quelques échanges houleux, et finalement j'ai perdu patience et ai décidé de cesser d'essayer de lui ouvrir les yeux. De toute façon, il ne répondait plus à mes mails et refusait de me voir.

La naissance de mon premier fils

Le mercredi 28 février 2007, mon fils Vincent est né. Ensuite, ma femme est restée quelques jours à l'hôpital pour se reposer. Durant la semaine, j'allais la voir le soir après le travail. Le samedi après l'accouchement, j'ai invité mes parents et ma sœur à l'hôpital pour voir le petit. Tout s'est très bien passé, et ma mère m'a alors gentiment invité le lendemain soir pour manger à la maison.

Le dimanche, je devais aller à une réunion et donc j'étais occupé au début de l'après-midi. J'ai commis la bêtise de le dire à ma famille. Ce jour-là mon père a donné rendez-vous à mon frère et sa fiancée - que je n'avais encore jamais vue - à 15 h à l'hôpital pour voir mon fils, et ce sans m'en parler et en s'assurant que je serais absent. Ma femme, qui dormait profondément pour se remettre de ses nuits sans sommeil, a été réveillée par mon père qui lui a annoncé leur venue ! Sylwia les a fait attendre dans le hall de l'hôpital et m'a passé un coup de fil aussitôt en me disant qu'ils étaient tous là. Entre temps, un copain d'enfance est aussi passé à l’hôpital et s'est joint à eux.

Dès que j'ai su ce qui se tramait, j'ai pris la voiture immédiatement et je suis parti aussi vite que j'ai pu vers l'hôpital. Je suis arrivé dans la chambre ou ma femme était alitée. Mon fils était dans les bras d'une inconnue qui s'est révélée être la fiancée de mon frère, et tout le monde semblait gêné par ma présence. J'étais furieux par tant de lâcheté ! Le soir, lorsque je suis arrivé chez mes parents pour manger, j'ai engueulé mon père et j'ai maudis la secte qui l'avait poussé à agir de la sorte !

Le mariage de mon frère

Mon frère jumeau s'est marié en été 2007 avec une témoin de Jéhovah d'origine péruvienne. Il y a invité presque 200 personnes, pratiquement tous témoins de Jéhovah. Les seuls qui ne l'étaient pas étaient nos copains d'enfance. Par contre, il n'a pas daigné m'inviter, moi son propre frère, soi-disant pour me protéger des autres témoins de Jéhovah ! En fait, il m'a avoué plus tard qu'il avait peur que je les salue !

Mon père m'évite

En août 2008, j'ai trouvé un nouveau travail situé près de chez mes parents. Comme ma mère n'a jamais suivi les consignes d'exclusion des témoins de Jéhovah, elle m'a invité à venir chaque semaine manger à la maison, invitation que j'ai acceptée avec plaisir.

Durant les premiers mois, nous avons souvent discuté des témoins de Jéhovah. Mon père et ma sœur s'en plaignaient constamment, disant qu'ils n'y avait pas d'amour dans leur congrégation et qu'ils voulaient en changer. Nous étions tous d'accord, et la relation était agréable.

La situation a complètement changé un jour où nous avons eu une discussion un peu animée avec mon père. Il m'a demandé pourquoi j'avais décidé de me faire baptiser. J'ai d'abord tenté d'éviter le sujet, mais comme il insistait j'ai répondu que j'avais fait une erreur, et j'ai expliqué qu'il avait fait beaucoup pour me pousser dans cette voie. Au bout de quelques minutes, j'étais le seul à parler. Mon père ne disait plus rien.

La semaine suivante, je suis allé chez mes parents comme d'habitude, mais seule ma mère était présente. Mon père avait soi-disant un rendez-vous à l'extérieur avec ma sœur. La fois d'après, il était de nouveau absent.

Ce petit jeu a duré pendant cinq mois ! A chaque fois que je venais à la maison, c'est-à-dire chaque semaine, mon père s'arrangeait pour aller manger à l'extérieur. Cette situation n'a pris fin qu'au début 2009, suite à une discussion que mon père a eue avec d'autres témoins de Jéhovah plus modérés.

Mon père a alors tenté de clore définitivement le sujet religieux, mais je me suis vite rendu compte que ni lui ni moi ne le voulions vraiment. La suivante dispute, quelques mois plus tard, s'est à nouveau soldée par un évitement de plusieurs mois, alors que j'étais encore et toujours invité chaque semaine à manger chez mes parents. Il arrivait durant cette période que mon père s'enferme dans sa chambre pendant toute la durée du repas, et ce jusqu'à ce que je sois reparti au travail. Au bout du compte, la faim et la honte ont finalement réussi à le faire sortir définitivement de sa tanière.

La naissance de mon deuxième fils

Mon deuxième fils, Cédric, est né en avril 2010. Afin d'éviter une nouvelle situation déplaisante, j'ai dit à ma famille que tout le monde pourrait le voir une fois que ma femme serait sortie de l'hôpital, promesse que j'ai bien sûr tenue. Ainsi, la joie d'être père n'a cette fois pas été gâchée par l'impression d'être persona non grata parmi les membres de ma propre famille.

Le décès de ma grand-mère

En été 2010, ma grand-mère adorée est malheureusement décédée. Elle était née en 1914, et la société Watchtower avait annoncé jusqu'en 1995 que la génération qui avait vu cette date ne devait pas passer avant qu'Harmaguédon n'arrive. La mort de ma grand-mère était donc un signe supplémentaire des mensonges de cette organisation.

Comme l'enterrement était loin de la maison et que je ne me sentais pas d'y aller seul, j'ai proposé à mon frère jumeau, que je n'avais pas revu depuis des mois, de faire le voyage avec lui. Il a accepté, non sans quelques hésitations.

Le voyage a été très éprouvant, mais a permis au moins que nous ayons une discussion, mon frère et moi. J'avais envisagé d'aborder plusieurs sujets concernant les témoins de Jéhovah avec lui, et j'ai commencé par lui parler des prophéties soi-disant basées sur la Bible. Lorsque j'abordais le sujet en parlant des errements prophétiques de groupes religieux antérieurs aux témoins de Jéhovah, mon frère s'amusait de leur manque de clairvoyance, me faisant remarquer avec justesse que leurs prédictions n'étaient pas divines. Par contre, dès que j'en suis arrivé à Russell et à ses successeurs, c'est-à-dire aux fondateurs des témoins de Jéhovah, son visage s'est tout à coup terni, et il m'a alors accusé de vouloir seulement critiquer sa religion. Les critiques étaient donc acceptables si elles étaient dirigées contre des groupes religieux étrangers, mais ces mêmes critiques devenaient inacceptables lorsqu'elles concernaient les témoins de Jéhovah !

Malgré sa réaction négative, j'ai tenté de parler de plusieurs autres sujets, mais au bout du compte, nous nous sommes quittés sans qu'aucun véritable dialogue n'ai pu être instauré. Mes questions demeuraient sans réponse et l'énervaient, et il ne semblait pas avoir envie d'approfondir aucun sujet religieux avec moi.

Le mariage de ma sœur

En mars 2011, ma sœur (qui est témoin de Jéhovah) et un ami d'enfance (qui ne l'est pas) se sont mariés, pour le pire, mais surtout pour le meilleur ! Tout le monde a été invité à une cérémonie toute simple à la maire, sans rien de religieux.

Je m'y suis bien sûr rendu avec grand plaisir, et j'y ai passé un très bon moment. Par contre, mon frère et sa femme ne se sont pas montrés, expliquant que le fait que ma sœur se marie avec "quelqu'un du monde" n'était pas de leur goût, et qu'ils préféraient donc éviter d'aller à la cérémonie !

Ma mère a un cancer des os

Depuis mon exclusion, mon frère a souvent tenté d'inciter mes parents à couper les contacts avec moi. Cela a été peut-être la cause de l'évitement prolongé que mon père m'a fait subir. Mais heureusement, ma mère n'a jamais cédé à cette pression, et je l'en remercie du fond du cœur !

Fin janvier 2012, j'ai quitté la société chez laquelle je travaillais, et qui se trouvait près de chez mes parents, si bien que mes contacts avec eux sont devenus moins réguliers. Le mois suivant, ma mère a commencé à se plaindre de douleurs persistantes au dos, douleurs qui se sont finalement avérées provenir d'un cancer des os. Heureusement, j'étais sans emploi à ce moment-là et j'ai donc pu m'occuper d'elle.

Toutefois, cela n'a pas empêché mon frère de continuer à tenter de la convaincre de couper les ponts avec moi ! Oui, vous avez bien lu : mon frère jumeau Laurent voulait que ma mère, qui est mourante, coupe les ponts avec son propre fils qui l'aime et la soutient, et ce simplement parce que ce dernier avait des idées religieuses qu'il ne trouvait pas convenables !

Lorsque je pense à cela, j'en viens véritablement à le détester, lui que pourtant j'aimais plus que tout lorsque nous étions enfants. Je constate que les convictions religieuses, lorsqu'elles sont coupées de tout esprit critique et appliquées sans amour, finissent par créer des monstres méprisants et dénués de cœur, monstres qui ont peut-être la certitude - et c'est ça le plus terrible - d'agir pour le mieux.

Rencontres fortuites

Durant l'année 2012, il m'est arrivé de croiser des témoins de Jéhovah dans la rue. Bien que cela fasse plus d'une décennie que j'ai été exclu, ils continuent de m'éviter.

Par exemple, en août 2012, j'ai croisé Norbert et Sylvie Prini, un couple de témoins de Jéhovah chez qui j'allais chaque semaine faire l'étude du livre pendant plusieurs années. Les voyant de dos, je leur ai lancé un amical : "Bonjour vous deux !" Ils se sont retournés, puis Norbert m'a dit alors, après s'être assuré que je n'étais pas mon frère jumeau Laurent : "On est pas censé se parler". J'ai rétorqué que cela ne me gênais pas, mais il m'a alors dit en me regardant bien dans les yeux : "Mais moi, ça me gêne". Je me suis alors éloigné, maudissant cette secte qui est capable d'inculquer à ses fidèles un tel mépris, et ce pour un fait datant de si longtemps.

En novembre 2012, je suis encore tombé sur deux sœurs qui proposaient des périodiques dans la rue. Je me suis arrêté pour discuter, mais la plus âgée, qui m'a reconnu, a dit : "On est pas censé parler avec les exclus. C'est Dieu qui le dit". Impossible évidemment de tenter de la faire raisonner, étant donné qu'elle ne m'écoutait déjà plus. J'ai donc passé mon chemin en me disant que cela n'en valait pas la peine.

La mort de mon père

La santé de ma mère n'a cessé de se dégrader durant l'année 2012. Le cancer lui faisait de plus en plus mal, la rendant de plus en plus agressive.

Cette situation épuisait mon père. En avril 2013, il est entré à l'hôpital. Nous pensions qu'il était fatigué par la situation, et qu'il allait en sortir rapidement. Mais un mois plus tard, nous avons appris qu'il avait lui aussi un cancer. Il est mort fin juin 2013, à peine deux mois après être entré à l'hôpital.

Le premier mois que mon père a passé à l’hôpital, il n'a reçu la visite d'aucun témoin de Jéhovah. Il a fallu que mon beau-frère (qui n'est pas témoin) s'en plaigne à une de leurs réunions, pour qu'une poignée d'entre eux se déplacent et aillent le voir. Cela montre qu'en 40 ans, mon père ne s'est fait aucun véritable ami chez eux. Personne, mis à part sa famille, ne se souciait vraiment de lui et de sa santé.

L'enterrement a été entièrement organisé par ma sœur et mon frère. Je n'ai pas eu mon mot à dire. Une centaine de témoins de Jéhovah étaient présents. Il s'agissait pour la plupart de gens que je n'avais pas revus depuis mon exclusion, 15 ans plus tôt. La première remarque que j'ai entendue de leur bouche, alors que je venais de perdre mon père et que j'étais en train de soutenir ma mère en deuil et rongée par son cancer, a été : "tu vas entendre un très bon discours" ! Durant ce "très bon discours", l'orateur a parlé pendant cinq minutes de mon père, pour faire ensuite, pendant 25 longues minutes, l'apologie du système de croyances jéhoviste : résurrection et vie éternelle promise, imminence d'Armageddon, etc.

L'ironie, c'est que mon père a attendu que ces belles promesses se réalisent pendant près de 40 ans, soit la majorité de sa vie d'adulte, et rien ne s'est produit. Combien de temps faut-il donc encore attendre ? Combien d'autre vies gâchées faut-il pour qu'ils comprennent que cela ne viendra jamais ?

La fin de vie de ma mère

La mort de son mari a été un coup très dur pour ma mère. Elle s'est retrouvée seule chez elle, à devoir vivre avec une douleur physique pratiquement insupportable. J'ai tout fait pour la soutenir durant cette période difficile.

Comme j'étais la personne la plus proche d'elle, elle m'a confié la gestion du reste de ses biens, qui s'élevait en fait à pas grand chose, puisqu'elle avait fait un don conséquent de son vivant à chacun de ses enfants, ainsi qu'à son mari. Comme elle touchait très peu d'argent chaque mois, j'avais peur que ses comptes tombent dans le rouge.

J'ai passé des nuits entières à m'occuper d'elle et de ses affaires. Je passais tellement de temps à cela que j'ai délaissé ma famille durant cette fin d'année 2013. Heureusement, mon beau-frère, qui n'est pas témoin de Jéhovah, a aidé et soutenu ma mère autant que l'aurait fait un fils. Par contre, mon frère Laurent n'a fourni qu'une aide minimale.

Le 17 janvier 2014, ma mère adoré est morte des suites de son cancer. Le dernier mois, elle est restée au lit, à regarder le plafond de sa chambre d’hôpital, avec les deux bras cassés par la sale bête qui lui rongeait les os.

Durant l'enterrement, j'ai cherché un peu de soutient auprès de ma sœur, avec laquelle je gardais encore des contacts assez bons. Lorsque je lui ai proposé de venir à la maison pour voir des photos, elle a refusé net, disant qu'elle voulait limiter au maximum les contacts à cause de "ma situation". Elle m'avait déjà dit la même chose à l'enterrement de mon père. Me voir ainsi rejeté par deux fois alors que je venais de perdre un parent m'a décider de couper définitivement les ponts avec elle. Je lui ai donc dit que puisqu'elle me rejetait ainsi, je ne souhaitais plus jamais la revoir.

Malgré le malheur qui frappait notre famille, mon frère jumeau continuait lui aussi de garder ses distances avec moi. Jusqu'à la mort de mon père, je le revoyais une fois tous les six mois environ, et la plupart du temps, il se montrait très froid et il nous était impossible de discuter sans que cela se solde par une dispute.

Il reprochait fréquemment à mon père, à ma mère et à ma sœur de garder des contacts avec moi. Il en est même arrivé à reprocher à mon beau-frère, qui est un ami depuis plus de vingt ans et qui ne fait que s'intéresser aux témoins de Jéhovah, de m'avoir embauché pour quelques mois en 2012 dans son entreprise ! Heureusement, ses conseils n'ont pas été suivis, et j'ai souvent eu de très bons contacts avec ma mère, et parfois assez bons avec mon père et ma sœur, tant bien sûr que nous évitions de parler du "sujet qui fâche".

Mon frère m'accuse de vol

A partir du moment où je me suis occupé des comptes de ma mère, mon frère Laurent s'est mis à m'appeler de plus en plus souvent. La raison des ses appels était toujours la même : il voulait que je justifie de ma gestion de l'argent. Jamais il n'a proposé d'apporter le moindre soutien. Son seul but était de parler d'argent, et de rien d'autre.

En octobre 2013, j'ai constaté que ma mère, dont l'état aggravait de jour en jour, n'avait presque plus rien sur son compte. J'ai donc proposé à ma sœur et à mon frère que nous lui versions tous trois une certaine somme (la même pour tous) afin de l'aider financièrement. Cette somme correspondait au quart de ce que notre mère nous avait donné à chacun quelques mois plut tôt. Ma sœur a tout de suite accepté, mais mon frère a refusé, prétextant qu'il n'avait rien à donner tant qu'il n'avait pas pu épluché en détail les comptes de ma mère. Étant donné que je m'en occupais, c'était une manière à peine déguisée de me traiter de voleur. J'ai accepté de faire l'effort de lui montrer le détail de la gestion des comptes, à condition bien sûr qu'il s'engage à donner ce dont ma mère avait besoin. Il a encore refusé. Cela m'a révolté de voir que mon frère refusait toute assistance financière à sa mère mourante, et ce d'autant plus qu'elle n'avait jamais cessé toute sa vie de l'aider et de le soutenir, et qu'en plus elle venait juste de lui donner une importante somme d'argent.

Mes craintes de me voir accuser de vol par mon frère se sont vues confirmées après le décès de ma mère. Le 2 février 2014, Laurent nous a convoqué, ma sœur, son mari, moi et ma femme, à une séance dont le but principal était de parler de la gestion des comptes des parents. Voyant l'agenda en forme de "règlement de comptes" de cette séance, j'ai d'abord décliné l'invitation. Le mari de ma sœur a toutefois insisté pour que je m'y rende, et j'ai fait l'erreur de l'écouter. Laurent a présidé la séance, en lisant un papier qu'il avait préparé pour l'occasion. Il s'est mis non seulement à m'accuser de vol, mais aussi de mauvaise gestion, d'extorsion de fonds - pour la fois où j'avais demandé de renfloué les comptes de ma mère - et de bien d'autres choses toutes plus abjectes les unes que les autres. J'ai voulu rétorquer à ses accusations sans fondement, mais il ne m'a pas laissé la parole. Finalement, nous nous sommes violemment disputé et il a quitté la maison sans m'écouter.

Après cette séance de lynchage, il a continué à me harceler de mails et d'appels téléphonique, tous contenant diverses accusations et demandes de preuves. De plus, il m'a menacé d'un procès si je ne me pliais pas à ses exigences. Bien entendu, j'ai refusé d'entrer dans son jeu, d'autant plus que chaque message était accompagné de nouvelles accusations infondées, desquelles il attendait que je me justifie. Son acharnement était tel que j'ai fini par bloquer ses mails et que j'ai proposé une conciliation, seule solution selon moi pour s'en sortir.

Suite à mon insistance, une conciliation est finalement organisée avec Laurent en mai 2014. Durant celle-ci, j'explique à nouveau en détails ce qui s'est passé sur les comptes et montre qu'aucun vol n'a été commis. Au lieu d'admettre ces faits et de s'excuser de ses accusations infondées, mon frère me présente un nouveau décompte tout droit sorti de son imagination, où cette fois il aurait été lésé encore plus fortement que précédemment. Il me menace de contacter son avocat.

En juin, voyant que je n'entre pas dans son jeu et que j'ignore ses menaces, il décide alors de convoquer une conciliation volontaire devant la justice de paix. Dans sa lettre à la justice, il réitère ses accusations de vol, mais calcule cette fois un préjudice supposé bien plus faible qu'en mai.

Début septembre 2014, mon beau-frère me transmet un mail de Laurent dans lequel ce dernier réitère ses accusations de vol et d'extorsion de fonds, et en ajoute d'autres. Au total, ce sont alors pas moins de 23 accusations infondées qui sont portées contre moi, l'acharnement dont je suis l'objet atteignant alors son paroxysme ! J'apprends aussi que Laurent fait pression sur mon beau-frère pour qu'il m'évite. Dans ce même mail, Laurent a tout de même l'outrecuidance d'avouer sans remord qu'il savait pertinemment dès février que son accusation de vol était exagérée. Cela montre clairement que son seul but est de nuire à ma réputation, et non d'établir la vérité. Mon beau-frère me défend contre les accusations les plus absurdes. Je récuse une à une chacune des 23 accusations dans un mail de retour, puis met fin à la conversation.

Le 17 septembre 2014 a lieu une conciliation volontaire auprès de la justice de paix. Je présente les faits à la juge, documents à l'appui, et elle constate devant Laurent que rien n'a été volé et que la gestion lui paraît saine. Elle demande donc à Laurent de s'excuser de ses accusations mensongères. Cependant, cette preuve supplémentaire ne lui suffit visiblement pas. Il refuse de s'excuser pour tout le mal qu'il m'a causé, et continue de m'accuser face à la juge de paix, qui prend alors ma défense. Après plusieurs tentatives de cette dernière pour le raisonner, nous parvenons tout de même à un accord, qui consiste en un partage en trois parts égales de ce qui reste sur les comptes. Cela est une meilleure affaire pour moi que ce que j'avais proposé en février, car j'avais à l'époque été assez stupide pour proposer un partage à mon désavantage !

Le 21 septembre, je reçois un coup de téléphone de Laurent. J'ai du mal à reconnaitre sa voix, tellement elle tremble. Il me demande pardon de m'avoir accusé à tors de vol. Je suis très soulagé de cet aveu, et l'en félicite. Je lui demande d'organiser une conciliation suivie pour nous permettre de régler nos différents, et il accepte sur le coup. Seulement, le lendemain, je reçois un nouveau coup de téléphone de sa part, beaucoup moins agréable que celui de la veille, où il se met à poser des conditions pour qu'une conciliation ait lieu. Cela m'énerve et nous nous disputons. Je finis par raccrocher, comprenant que son seul but de la veille était d'éviter que je lui intente un procès en diffamation, et non de se réconcilier avec moi.

Regrets

Nous sommes aujourd'hui en novembre 2014. Mes enfants grandissent et la vie continue. Je tente de m'éloigner de plus en plus de mon passé qui me fait tant souffrir, mais la blessure d'avoir été rejeté et humilié par les personnes les plus proches est constamment présente.

Je regrette que la situation se soit envenimée à ce point, et que j'ai été contraint de couper les ponts pour me laisser une chance de me reconstruire. La secte des témoins de Jéhovah est la grande responsable de cette situation. En dépeignant les "gens du monde" comme des personnes fourbes sans foi ni loi, elle incite à la suspicion, au mépris et à la haine. Et la haine engendre la haine.

Après plus de quinze années à subir cela, j'ai compris que la seule arme qu'il me reste pour y faire face, c'est le partage de mon témoignage avec vous, qui lisez ces lignes. Puisse ce témoignage aider autant de personnes que possible à sortir de la logique sectaire !