J’ai la conviction qu’il n’existe qu’une seule réalité. La réalité est ce qui interagit avec nous. Elle nous contraint, mais nous offre aussi d’innombrables possibilités. La comprendre permet de mieux la maîtriser.

Il existe des vérités qui rendent comptent de la réalité, et des mensonges qui n’en rendent pas compte. Le problème qui se pose à chacun est celui de l’accès à la réalité, à travers les innombrables vérités qui en rendent compte.

Les moyens pour accéder à la réalité

Pour nous aider dans cette recherche, nous disposons de bien peu de moyens. En effet, notre seule interface avec la réalité est constituée de nos sens et de notre intelligence. Nous faisons des expériences sensorielles, puis nous construisons des schémas mentaux qui découlent de ces expériences. Toute expérience, pour autant qu’elle soit prise en compte dans notre schéma mental, nous aide à mieux comprendre la réalité.

Dans cette idée, une expérience qui déstabilise notre schéma mental devrait normalement nous inciter à le remettre en cause. Elle devrait alors s’intégrer dans une nouvelle représentation mentale, qui prendrait aussi en compte nos expériences passées.

Les croyances

Avant de pouvoir valider les choses par des expériences, nous comblons les inconnues de nos représentations mentales par des croyances. Une croyance, c’est une idée qu’un individu se fait sur la réalité. Elle peut se révélée vraie, fausse, ou être à jamais indéterminable.

Très souvent, l’individu n’a pas les moyens de vérifier ses croyances par l’expérience. Il en est donc réduit à espérer que ses croyances soient justes. En l’absence de preuves, il devrait donc se ménager une « porte de sortie », afin de permettre à ses expériences futures de remette en cause ses croyances.

Le dogmatisme

Toutefois, il arrive que des certaines croyances deviennent tellement indispensables à un individu, que toute remise en cause devient trop coûteuse pour lui. Il existe alors une technique qui permet d’éviter d’avoir à intégrer les expériences nouvelles contredisant son schéma mental préféré. Cette technique, c’est le dogmatisme.

Le dogmatisme consiste à accepter une fois pour toutes un ensemble de croyances, et à les considérer ensuite comme incontestables. Grâce à cette technique, plus besoin d’intégrer les nouvelles expériences qui viennent remettre en cause notre précieux schéma mental ! Il suffit d’ignorer ces expériences, et l’on peut ainsi continuer tranquillement de penser ce que l’on veut.

La "Vérité"

Parfois, on appelle un ensemble de dogmes « la Vérité », avec un grand V. Cette appellation entraîne ceux qui y adhèrent à confondre les vérités, qui rendent compte de la réalité, avec les croyances dogmatiques. Voici quelques exemples de ces « Vérités », si chères aux systèmes de pensées uniques :

- Un des principaux journaux communiste russe du début du XXème siècle s’appelait « Pravda » (la Vérité). Voir ici

- Le livre de Raël, qui raconte sa rencontre avec un extraterrestre, s’appelle « le livre qui dit la vérité ». Voir ici

- La doctrine des Mormons se nomme "la Vérité". Voir ici

- La doctrine des témoins de Jéhovah se nomme aussi "la Vérité". 

- La secte Aum Shinrikyô, responsable de l’attaque terroriste du métro de Tokyo en 1995, tire son nom du japonais qui veut dire : « Religion de la Vérité Suprême ». Voir ici

- Un groupe social appelle "les amis de la verite" existe depuis 1790 en France. Voir ici

- Dans le bouddhisme, les enseignements fondamentaux se nomment "les quatre vérités nobles".

- Chez les catholiques romains, la vérité vient de ce que dit le pape, qui est considéré comme le représentant infaillible de Dieu sur Terre.

- Selon le jainisme, la vérité dépend du point de vue de chacun. Seul un illuminé peut appréhender la vérité universelle. Les autres ne voient qu'un aspect de la vérité.

La liste pourrait s’allonger.

Le fonctionnement d'un système de pensée unique

Dans tous ces systèmes de pensée unique, les dogmes sont considérés comme acquis une fois pour toutes. Il n’est donc pas nécessaire de les remettre en cause. Ils ont déjà été validés et approuvés, estampillés "vrais et incontestables".

Une des premières actions du dogme, c'est de se protéger lui-même! Il s'assure d'écarter tout ce qui pourrait le déstabiliser: critiques, questionnements, ou doutes. Ainsi, dans un système de pensée unique, toute critique du dogme est ressenti comme une attaque contre ceux qui y adhèrent; toute remise en question comme un manque de loyauté; tout doute comme un mal qu'il faut vite guérir.

A cause de cela, le dogme s'enracine de manière permanente dans l'esprit, et il devient pratiquement impossible de l'en déloger. Tout ce qui pourrait le remettre en cause est systématiquement écarté. On n'écoutera même plus les arguments contraires au dogme, car ils sont d'emblée considérés comme fallacieux, mensongers, et infondés. Ce n'est même pas la peine de les évaluer. On sait par avance qu'ils seront rejetés.

Conclusion

J'ai le sentiment qu'il faudrait se débarrasser de ses dogmes, et chercher uniquement des vérités qui rendent compte de la réalité. Pour se débarrasser des dogmes, le meilleur moyen est certainement la culture de l'esprit critique, et du doute. C'est le doute qui permet d'entrevoir les failles d'un système de pensée unique, et ainsi de comprendre les limites des croyances qui le composent.

Toute croyance a de grandes chances d'être fausse. Aucune ne devrait donc s'affranchir de la critique, de la remise en question, ou du doute, car ce sont là les seuls moyens qu'a l'Humanité pour avancer sur le chemin de la connaissance.

 

Sébastien Koch